J’aime le plaisir que la vie peut offrir, parfois au gré des humeurs de Dame Nature. Mais le luxe, qu’on se le dise, réside en l’art et la manière de tirer les meilleurs moments de notre existence, et d’être en perpétuelle recherche d’un instant où l’on se sent prendre la place du roi. Changer l’eau en vin et faire d’une simple chaise de jardin un trône somptueux. Le drap se fera un plaisir de jouer la nappe afin d’être la scène d’un banquet de pauvre. Car oui, je refuse de penser que luxe rime avec richesse et argent. C’en est assez des contes de fées, et vivons notre propre vie, simple et chiche, soit, mais agrémentée çà et là d’instants précieux à savourer seul ou à deux. Et comme à deux on est déjà « des », mille convives peuvent se joindre à la noce des sens, que l’on tâchera de guetter, exprès ou non, mais toujours, quoi qu’il arrive.

Car le luxe s’apprend, et c’est à l’école des cinq sens et du plaisir que l’on aiguise son goût pour ladite chose. On apprend à profiter, et c’est bien là le maître-mot. Et c’est après avoir affiné ces cinq sens que l’on en développe un sixième : celui de l’harmonie, qui est d’autant plus puissant qu’il nécessite l’intervention et l’éveil de chacun des autres. Ensuite et pour finir, on en vient à la question de la préparation et de la mise en place du profit du moment, que l’on compose avec l’harmonie.

Le luxe est donc un mode de vie où l’on se doit d’être actif et en quête constante du plaisir, de ce petit « plus » qui changera notre routine et nos habitudes. Car loin de se complaire dans une mollesse et un quotidien « plat », le luxe demande qu’on s’y arrête. Il veut de l’attention, du soin, et beaucoup d’application. Il ne passe en effet pas par l’argent, mais en tout cas par la façon d’assembler et de mettre en forme les choses, afin de les anoblir pour entrer au palais. C’est donc une forme d’art où le nécessaire est utile, et le superflus absolument indispensable.

Après ces conseils luxueux, si d’aventure un prince s’invite à votre table (improvisée, cela va de soi, et donc composée avec votre harmonie). Malgré ses diamants et rubis qui étincellent et vous éblouissent, votre convive reviendra sûrement sur l’avis qu’il portait en entrant quant au luxe, car tel épris qui croit éprendre.

Evidemment il vous demandera votre secret, et évidemment vous le lui donnerez, car à l’école du luxe, on y apprend le partage et l’échange.

Evidemment il vous félicitera, vous, la table et la cuisine, et évidemment, vous ne répondrez rien, car à l’école du luxe, on y apprend également la modestie.

 

Henrik Ibsen a dit : « Le véritable esprit de révolte consiste à exiger le bonheur, ici, dans la vie »

Soit. Je suis une révolutionnaire.